jeudi 14 juillet 2022

Programme du concours national d’Agrégation en langue et littérature françaises. Tunisie. 2022-2023.

 

 


Programme du concours national d’Agrégation en langue et littérature françaises. Tunisie. 2022-2023.

1/ Littérature :

° Moyen Age :   La Prise d'Orange, chanson de geste, édition bilingue de Claude Lachet. Champion Classiques Moyen Âge. 2010.

°XVIe siècle : François Rabelais, Le Tiers livre, Paris, Le livre de poche, coll. "Bibliothèque classique" , 1995 . (Introduction, bibliographie et variantes par Jean Céard).

° XVIIe siècle : Blaise Pascal, Pensées, Edition Folio Classique Gallimard, Edition de Michel Leguern 2004.

° XVIIIe siècle : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, Garnier-Flammarion, 2008.

° XIXe siècle : Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, Nouvelles méditations poétiques. nrf Poésie / Gallimard.

° XXe siècle : André Malraux, La Condition humaine, Folio Plus 2007.

 2/ Littérature comparée :

Thème : La Grèce.

· Littérature française : Jacques Lacarrière, L’Eté grec, Plon 1993.

· Littérature anglaise : Lord Byron, Le Pèlerinage de Childe-Harold, Hachette BNF 2013.

· Littérature allemande : Friedrich Hölderlin, Hypérion, nrf Poésie Gallimard / Le Livre de Poche. Traduction Philippe Jaccottet. 1973.

 3/ Langue :

Le programme porte sur l’ensemble de la langue, de la linguistique et de la stylistique françaises.

 4- Traduction :

Traduction de textes littéraires de l’arabe vers le français. N.B. Les candidats qui souhaitent traduire à partir d’une autre langue que l’arabe doivent en faire la demande écrite auprès du service du 3ème cycle de la Faculté des Lettres de la Manouba ou du président du jury.

 

vendredi 16 juillet 2021


Programme d
u concours national d’Agrégation en langue et littérature françaises. Tunisie.  2021-2022.

1/ Littérature :

° Moyen Age : Chrétien de Troyes : Cligès. Edition bilingue, publication, traduction et notes par Laurence Harf-Lancner, Champion, « Classiques Moyen Age », 2006. (400p).

°XVIe siècle : Marguerite de Navarre : L’Heptaméron. Editions Classiques Garnier.

° XVIIe siècle : Blaise Pascal : Pensées. Edition Folio Classique Gallimard, Edition de  Michel Leguern 2004

° XVIIIe siècle : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais Le Mariage de Figaro, Garnier-Flammarion, 2008.

° XIXe siècle : Paul Verlaine : Fêtes Galantes suivi de Romances sans paroles et Poèmes saturniens  Editions : nrf Poésie Gallimard / Le Livre de Poche

° XXe siècle : André Malraux, La Condition humaine Folio Plus 2007

            2/ Littérature comparée :

Thème : L’épidémie en littérature.

· Littérature française : Jean Giono : Le Hussard sur le toit. Folio.

· Littérature américaine : Philippe Roth : Némésis. Editions : Gallimard.

· Littérature portugaise : José Saramago : L’Aveuglement Editions : Seuil.

                3/ Langue :

Le programme porte sur l’ensemble de la langue, de la linguistique et de la stylistique françaises.

            4- Traduction :

Traduction de textes littéraires de l’arabe vers le français. N.B. Les candidats qui souhaitent traduire à partir d’une autre langue que l’arabe doivent en faire la demande écrite auprès du service du 3ème cycle de la Faculté des Lettres de la Manouba ou du président du jury.



 


jeudi 9 juillet 2020


Programme de l'Agrégation de langue et littératures françaises. Tunisie.  2020-2021


Programme du concours pour l’année universitaire 2020-2021
1/ Littérature :
· Moyen Age : Chrétien de Troyes : Cligès. Edition bilingue, publication, traduction et notes par Laurence Harf-Lancner, Champion, « Classiques Moyen Age », 2006. (400p).
· XVIe siècle : Marguerite de Navarre : L’Heptaméron. Editions Classiques Garnier.
· XVIIe siècle : Jean de La Bruyère : Les Caractères
· XVIIIe siècle : Denis Diderot : La Religieuse
· XIXe siècle : Paul Verlaine : Fêtes Galantes suivi de Romances sans paroles et Poèmes saturniens  Editions : nrf Poésie Gallimard / Le Livre de Poche
· XXe siècle : Samuel Beckett : Oh les beaux jours
2/ Littérature comparée :
Thème : L’épidémie en littérature.
· Littérature française : Jean Giono : Le Hussard sur le toit. Folio.
· Littérature américaine : Philippe Roth : Némésis. Editions : Gallimard.
· Littérature portugaise : José Saramago : L’Aveuglement Editions : Seuil.
3/ Langue :
Le programme porte sur l’ensemble de la langue, de la linguistique et de la stylistique françaises.
4- Traduction :
Traduction de textes littéraires de l’arabe vers le français. N.B. Les candidats qui souhaitent traduire à partir d’une autre langue que l’arabe doivent en faire la demande écrite auprès du service du 3ème cycle de la Faculté des Lettres de la Manouba ou du président du jury.


dimanche 28 juin 2020

Thrène de Séville



Thrène de Séville
Poème du XIIIe siècle traduit d’Abu-l-Baqa Salah ar-Rondi
Jalel El Gharbi
p. 26-30
1Voici une traduction d’un poème andalou, Thrène de Séville1 écrit par Abul Beca ar-Rondi (1204-1285), gentilé arabe de Ronda. Poète d’une grande délicatesse, sa poésie, comme celle de Ibn ar-Roumi2, a renouvelé les thèmes de la littérature arabe : on trouve chez lui une description de la mer, des fruits (grenades) et même des légumes (un vers sur les carottes). Ce poème, écrit suite à la perte des grandes villes d’al-Andalus au XIIsiècle, tombées aux mains des armées de Ferdinand III de Castille et de Jacques Ier d’Aragon, prophétise la chute de Ronda en 1485 et la disparition du dernier état musulman de la péninsule Ibérique, Grenade, en 1492.
2Rondi – celui qui est originaire de Ronda – est considéré comme le dernier poète andalou. Une place de sa ville natale porte aujourd’hui son nom : « Plaza poeta Abul Beca ».
Accomplie, toute chose porte sa carence :
La douceur de vivre ne doit leurrer personne.
Tel que je vois, tout est affaire d’alternance,
Comblé un instant, on en pâtit l’éternité.
La vie ici-bas n’épargne jamais personne,
Jamais rien ne demeure longtemps inchangé.
Le temps lacère fatalement tout bienfait,
Dès qu’on érige trop haut ses moucharabiehs.
Et toute épée est promise au néant, fût-elle
Celle de Ibn Dhi Yazin3, fût-elle au palais de Ghomdan.
Où sont les rois de la couronne du Yémen4 ?
Et où sont donc les diadèmes ni les guirlandes5 ?
Où sont les bâtisses que fit Chadad à Irem6 ?
Où est le règne des Sassanides persans ?
Où sont tous les trésors amassés par Crésus ?
Où sont ceux de Ad, de Chadad et de Qahtan7 ?
Ils subirent tous un imparable destin,
Et ce fut comme s’ils n’avaient jamais existé.
Les rois et les règnes qui furent en devinrent
Comme le récit d’un songe par un grand dormeur. 
Le temps s’en prit à Darius et son assassin,
Puis Hanta Kosrau qui ne trouva point d’abri.
C’est comme si le Grand Cyrus ne fût jamais,
Que le règne de Salomon n’eût jamais lieu.
Les drames dus au temps sont tellement variés,
Et l’éternité a ses heurs et ses malheurs.
Un oubli vient adoucir toute catastrophe,
Or il n’est pas d’oubli pour ce qui frappa l’islam.
Un drame insurmontable s’abattit sur l’île8 ;
Ohod9 en croula et Thalan10 s’en affaissa ;
Touchée par le mauvais œil, elle fut mortifiée ;
L’islam disparut de maints pays et contrées.
Prenez à Valencia11 nouvelles de Murcie12,
Et où est Xàtiva13, plutôt où est Jaén14 ?
Et où est Cordoue15, qui est la cité des sciences
Où tant de savants connurent un grand renom ?
Où sont donc Séville16 et toutes ses promenades ?
Où est son fleuve à l’eau douce, toujours abondant ?
Ce sont les pierres angulaires du pays.
Comment y demeurer, dès lors qu’elles ne sont plus ?
Voici que la fontaine blanche pleure de peine
– Comme qui, éploré, pleure sa bien-aimée –
De voir un pays où l’islam n’est plus présent ;
Par lui déserté, par l’apostasie peuplé,
Et où les mosquées sont devenues des églises,
Où l’on ne voit plus que des cloches et que des croix ;
Même les mihrabs17, inanimés, en pleurent,
Et les minbars18, qui ne sont que du bois, en pleurent.
Vous qui êtes distrait malgré les leçons du temps,
Si vous, vous sommeillez, il est toujours en veille ;
Vous qui marchez gaiement tout à votre patrie,
Comment peut-on s’acclimater après Séville ?
Cette catastrophe fait oublier le reste,
Elle qui, jamais, ne tombera dans l’oubli.
Vous qui chevauchez des purs-sangs, au ventre mince,
Qui sur le champ de course sont tels des aigles ;
Vous qui portez les fines épées venues d’Inde
Comme un feu dans la poussière drue des sabots,
Qui gambadez outre-mer en toute quiétude,
Vous jouissez, chez vous, de dignité et de pouvoir.
Avez-vous nouvelles des gens d’Andalousie ?
Les caravanes ont transporté leur récit ;
Combien les pauvres gens nous appellent au secours,
Victimes et prisonniers, et personne ne bouge.
Pourquoi cette scission entre vous musulmans ?
Or, créatures de Dieu, vous êtes tous frères.
À moi ! âmes fières et bonnes volontés
Qui sont les partisans du bien et ses agents.
Oh ! vilenie d’un peuple connaissant la gloire19,
En est là par apostasie et tyrannie.
Hier encore, ils étaient les maîtres20 chez eux
Aujourd’hui, ils sont soumis en terre hérétique.
C’est pitié de les voir perdus, sans aucun guide,
Porteurs de tous les signes de l’humiliation.
Les voir pleurer, alors qu’on les donnait à vendre,
Vous aurait scandalisé et beaucoup peiné.
Il est des mères séparées de leurs enfants,
Tout comme une âme qui est de son corps dissociée.
Ou cette enfant belle comme un soleil levé21,
Comme si elle était jacinthe et corail,
Le Barbare la mène vers son lot forcée.
Les yeux larmoyants et le cœur endolori,
C’est pour de tels faits que le cœur fond de peine
S’il y reste une trace d’islam ou de foi.
Traduction Jalel El Gharbi
Notes
1  Dit aussi Thrène de l’Andalousie.
2  Ibn Ar-Roumi, ouAbou el-Hassan Ali ben Abbas ar-Roumi, surnommé ainsi car son père était chrétien, fut un poète arabe du ixe siècle (836-896, Bagdad).
3  Héros d’une geste populaire arabe.
4  On rapprochera ce poème du thème latin de Ubi sunt dont on voit l’écho chez François Villon dans son poème Ballade des dames du temps jadis.
5  La coordination par « ni » dans une interrogative est un archaïsme par quoi nous rappelons le poème de Villon.
6  Cité arabe antique citée dans le Coran.
7  Ancêtre des Arabes du Sud (les Arabes indigènes) par opposition aux Arabes du Nord, descendants d’Adnan.
8  L’île : la péninsule Ibérique.
9  Mont Ohod, à 5 km de Médine. Siège d’une bataille le 21 mars 625 entre les premiers musulmans et les Mecquois.
10  Mont du Najd en Arabie culminant à 1 200 mètres.
11  Tombée en 1238.
12  Tombée en 1243.
13  Tombée en 1247.
14  Tombée en 1246.
15  Tombée en 1236.
16  Littéralement Homs. Séville était appelée Homs (du nom de la ville syrienne) parce que la garnison qui l’occupait était composée de Syriens originaires de Homs. Tombée en 1248.
17  Mihrab : dans une mosquée, niche indiquant la direction de La Mecque.
18  Chaire d’où l’imam donne son prêche.
19  Littéralement : qui prendra en pitié des gens humiliés qui avaient connu la gloire.
20 Littéralement : rois.
21  Traditionnellement, et jusqu’à aujourd’hui, c’est la lune qui est le comparant de la beauté et non pas le soleil. Il est curieux que Rondi se réfère ici au soleil.
Référence papier
Jalel El Gharbi, « Thrène de Séville », Cahiers de la Méditerranée, 79 | 2009, 26-30.

jeudi 25 juin 2020

Pour sa fête, l'armée tunisienne dévoile sa dernière réalisation : ce véhicule blindé entièrement fabriqué en Tunisie. Félicitations !

dimanche 18 août 2019

Chers amis,
Je suis plus souvent sur facebook. Je vous invite à m'y rejoindre.

jeudi 11 juillet 2019

Giulio-Enrico Pisani : Et le Papillon chanta


Giulio-Enrico Pisani
Luxembourg, 2 juillet 2019

Et Le Papillon Chanta

Orhan Veli, les Haïkaï de Kikakou Et la genèse du Haïku Turc


Laurent Mignon
Notre écrivain, poète, chercheur, et linguiste (j’allais-dire nation..., pardon...), international, Laurent Mignon[1], a de nouveau frappé, mais cette fois de concert avec la spécialiste du Japon et des religions de l’Asie de l’Est, Katja Triplett[2].  Leurs baguettes: recherche, analyse, perspicacité et culture chevauchant les langues, se moquant des frontières et survolant les continents!   Leur partition: la magie d’une des formes poétiques les plus compactes, allégoriques, percutantes qui soient: le haïku ou haïkaï.  Les auteurs nous révèlent dans ce petit ouvrage de 96 pages[3], comment cette poésie nippone formée et ciselée en vers et mots d’une grande finesse reflétant mille pensées et sentiments synthétisés à l’extrême, viendra affronter les aléas de la traduction au bout d’un imprévisible voyage.  Ils explorent pour ce faire les portées lancées du japonais original de l’haïku vers les langues occidentales, puis entre celles-ci jusqu’au français et enfin au turc en profitant des libertés propres à la poésie, mais surtout d’interprétation, telle que le permet la distance philosophique, sémantique et logique entre ces langues.
Aussi, nos deux écrivains chercheurs orientalistes deviennent ici historiens et, en tout cas, détectives, comme surgis d’un chapitre de cette Agatha Christie dont ils citent l’une des traductrices.  Traductrice?  Eh oui, justement, le véritable esprit de cet ouvrage est la Traduction, esprit qui s’appuie sur deux pôles ou parties que les auteurs nomment respectivement «Introduction» et «Textes et commentaires».  La première partie, historico-analytique, s’attaque au mystère et essaye essentiellement d’élucider le comment.  Comment Orhan Veli, l’enfant terrible de la poésie turque, instigateur du mouvement d’avant-garde Garip (Bizarre) et, comme bien de ses contemporains, versé dans les lettres françaises, découvrit-il les haïkus de Kikakou, dans leur traduction française et fut-il amené à les traduire en turc?  La seconde partie, que je dirais poético-analytique, comprend deux douzaines de haïkus présentés en japonais, français et turc, chacun accompagné d’une page explicative, permettant notamment de bien saisir et la poésie du haïku, ainsi que la luminosité littéraire et symbolique de l’original, puis dans les traductions. 
Mais je passe à présent la parole à l’éditeur, qui nous présente ce poète-traducteur turc (presque auteur ou néo-concepteur, pourrait-on dire, vu le chemin parcouru par ces joyaux) bien mieux que je ne le pourrais faire. 
« Né le 13 avril 1914 à Istanbul, Orhan Veli fut une des principales figures de la poésie turque du XXe siècle. Théoricien de l’avant-garde, il fonda le mouvement Garip (Étrange) avec Oktay Rifat Horozcu et Melih Cevdet Anday. Il composa le manifeste du mouvement rejetant toute forme de passéisme littéraire, un des premiers exemples de manifeste littéraire en Turquie. Avocat du vers libre et s’inspirant des événements de la vie de tous les jours, il fut le pionnier d’une poésie minimaliste aux accents surréalistes, non dépourvue de lyrisme, qui marqua profondément la littérature turque. Outre des contributions régulières à diverses revues défendant un certain modernisme littéraire, il publia cinq recueils de son vivant[4], Mais la littérature n’était pas sa seule passion. Grand bohémien devant l’éternel, il mena une vie mouvementée dont les écarts allaient finir par lui être fatals. Il mourut le 14 novembre 1950 à l’âge de 36 ans des suites d’un accident. Ses poèmes complets furent publiés l’année d’après.».
Mais avant de laisser les deux auteurs de cette enquête aborder sa deuxième partie de l’ouvrage, j’aimerais citer en conclusion de la première (Introduction), leurs cinq phrases répondant, du moins en partie, à leur question initiale sur le comment et le pourquoi du poète turc.  «Dans les traductions d’Orhan Veli, l’avant-garde turque rencontre le Japon, du XVIIe siècle.  Des imagistes aux Beats, en passant par les surréalistes, l’histoire du haïku occidental est le produit de rencontres similaires entre des mouvements littéraires modernistes et la tradition japonaise. Il n’y a nul doute que les traductions des haïkus de Kikakou avaient une signification particulière pour Orhan Veli, puisqu’il les inclut dans leur intégralité, y compris les inédits, dans le premier cahier qu’il remit à la femme qu’il aimait en guise de testament poétique. Kikakou ne lui en aurait pas trop voulu, quand il prenait certaines libertés avec ses poèmes ou lorsqu’il subvertissait les traductions françaises. Ce refus de se soumettre aux maîtres aurait séduit l’élève insoumis de Bashô...»
Ce testament poétique (qu’il remit à la femme qu’il aimait), donc lato sensu cette clé qui nous ouvre la deuxième partie du lire, est l’amour, l’amour tous genres, certes, mais (pudeur nippone?) quasi-ataraxique, sans passion réelle.  Impression personnelle – je le reconnais –, elle me touche toutefois dès le premier haïku, en face duquel les auteurs expliquent «en clair» la sobre richesse et les messages contenus dans l’original de Kikakou, contraposée à ses interprétations et libertés française et turque.  Le voilà ce premier haïku, avec tout ce qu’il entend et sous-entend «Fête des fleurs. / Accompagné par sa maman, / un enfant aveugle.» –, mais dont la richesse ne peut être saisie par qui ignore la grande importance de la fête des fleurs au Japon!  Il est clair, d’autre part, que la poésie de Kikakou ne se limite pas à l’amour de la femme aimée, mais qu’elle brille également d’amour maternel et paternel, de celui de l’enfant, de l’ami, ou même et surtout, omniprésent et englobant toutes ses formes, l’amour de la nature!  Tout comme Corinne Atlan[5] le rappelle dans ses commentaires aux «Haïkus du temps présent» de la poétesse Madoka Mayuzumi: «Kikakou, n’affirme-t-il pas (...) que le haïkaï est destiné à conforter les coeurs?».  Quoi de plus juste!?  Et en voici, si besoin était, quelques preuves supplémentaires:
«À une fillette endormie et bien aimée / le coq chante. / Maintenant les moustiques sont partis / ma petite Tamako...»
«Oh! ce poisson vivant, / lumineux dans la nuit, / comme la belle Yokihi!»
 «À un ami qui vient de perdre sa femme: Qu’est devenue Enjo? / Elle a vécu sa vie – et maintenant / elle est comme la mer d’été
«Depuis longtemps / tu dors délicieusement / petit papillon
«Regardant la lune laiteuse, / je frappe à la porte. / Maison du prunier

Ne sont ils pas sublimes, ces joyaux poétiques, tout à la fois si proches de nous, de nos sentiments quotidiens et pourtant si exotiques, si éloignés de la prolixité d’une majorité de nos poètes occidentaux[6]?  Surement!  Découvrez-les donc dans ces pages, amis lecteurs, qu’une fois mis en appétit, rien n’empêche de prolonger votre plaisir et d’en découvrir d’autres en bibliothèque ou en librairie.  Ce qui compte toutefois le plus dans cet enrichissant ouvrage, c’est que Laurent Mignon et Katja Triplett nous aient introduits à travers leurs textes dans quelques arcanes de ce mystérieux art poétique nippon, étrangement vu du Levant via l’Occident.  Aussi méritent-ils toute notre reconnaissance pour nous avoir permis d’accéder à cette belle transfrontaliérité[7] des différences linguistiques et culturelles, qui existe depuis tous temps et se moque des particularismes étriqués.




[1]  .  Après des études qui l’ont mené de Bruxelles à Amman et de Londres à Istanbul, Laurent Mignon enseigne langue et littérature turques à la Faculté des études orientales de l’université d’Oxford. Ses recherches portent sur la littérature et l'histoire intellectuelle turques modernes, les littératures mineures de Turquie, la littérature socialiste, les thèmes bibliques dans la littérature turque et l'histoire intellectuelle juive moderne. De 2002 à 2011, il a enseigné la littérature turque moderne et la littérature arabe et turque comparée à l'université Bilkent à Ankara. Il est auteur, entre autres, de "Lettres de Turquie et d’ailleurs, d’Ana Metne Taşınan Dipnotlar": (Notes de bas page qui se transforment en texte : Écrits sur la littérature turque et l’interculturalité), "Hüzünlü Özgürlük: Yahudi Edebiyatı ve Düşüncesi Üzerine Yazılar" (Triste Liberté: Ecrits sur la littérature et la pensée juives), du recueil de poèmes "Pierres et poètes" et ; en langue allemande, "Ni kaza en Turkiya, Prosa jüdischer Autoren aus Istanbul" (www.zlv.lu/spip/spip.php?article21341)
[2] Katja Triplett travaille sur l’interculturalité et le fait religieux. Sa carrière universitaire l’a entrainée de Marburg à Londres, et de Göttingen à Leipzig, en passant par Hanovre, où elle dirige un projet de recherche sur la religion et l’alimentation. Parmi ses ouvrages principaux, l’on retrouve Prinz Goldglanz auf der Reise durch Himmel und Höllen: Zwei japanische Bildrollen des „Bishamon no honji“ aus dem 16. Jahrhundert im Kölner Museum für Ostasiatische Kunst, Menschenopfer und Selbstopfer in den japanischen Legenden: das Frankfurter Manuskript der „Matsura Sayohime-Legende“ et Buddhism and Medicine in Japan: A Topical Survey of a Complex Relationship (500-1600 CE) (Bouddhisme et Médecine au Japon: Enquête thématique sur une relation complexe [500-1600])
[3] Paru le 15.3.2019 aux éditions PETRA, Collection Voix d'ailleurs - Poésie                                                       
[4] Garip (avec Oktay Rifat Horozcu et Melih Cevdet Anday en 1941, puis réédité en solo en 1945), Vazgeçediğim (Ce à quoi je n’ai pu renoncer, 1945), Destan Gibi (Tel une épopée, 1946), Yenisi (Du nouveau, 1947) et Karşı (Contre, 1949). Une importante partie de sa carrière littéraire fut consacrée à la traduction d’œuvres littéraires. Il couvrit un vaste éventail d’œuvres et de genres allant des poèmes d’Alfred de Musset aux haïkus de Kikakou en passant par les Fables de La Fontaine et le Tartuffe de Molière.
[5] Traductrice, romancière et essayiste, Corinne Atlan a vécu près de vingt ans en Asie, enseignant le français au Japon
[6] Ce n’est bien sûr pas le cas des minimalistes, qui se sont d’ailleurs grandement inspirés du haïku, comme Saroyan, Brannen, Kempton, ou notre bien connu Laurent Fels.
[7] Le mot n’existe ni chez Littré, Larousse, Robert & Cie? Eh ben, il existe maintenant et est certainement plus clair et concis que «possibilité de pontage par-dessus les frontières».