jeudi 24 janvier 2013

Joyeuse fête du Mouled. Assida et poésie

Joyeuse fête du Mouled.


Délice du palais : l'assida, un mets des plus raffinés pour célébrer la douceur du Mouled  pommes de pin, pistaches, noisettes, amandes, noix, pignons de pin... Entre deux coupes d'Assida, je n'oublie pas ma lecture annuelle de la Borda. Nom d’un poème écrit par Kaab Ibn Zohaier, un panégyrique déclamé devant le prophète. A la fin de la déclamation de ce texte d’une grande qualité littéraire, le prophète offrit au poète sa البردة « borda ». Terme que j’aurais traduit par « cape » si le mot n’avait pas des connotations chevaleresque, par « mante » si ce terme ne désignait un vêtement féminin. Manteau est à prendre ici au sens de vêtement ample, pouvant être, comme au XIX siècle, utilisé dans la literie. La « borda » est quasiment un genre littéraire. Il s’agit toujours d’un poème long commençant par des strophes amoureuses النسيب pour finir par un éloge mystique du prophète. Parmi les poèmes dits « borda », on citera celui de Boussiri dont nous traduisons ici les premiers vers, Atouani et, plus près de nous, le poème irrésistible de Chawki.

Le poème de Boussiri البوصيريcomporte 160 vers. C’est la « borda » la plus connue au Maghreb, sans doute à cause des origines maghrébines de ce poète né en 1213 en Egypte mais aussi pour la grande délicatesse de ce texte.
البردة
البوصيري

أمن تذكـــــر جيــــــرانٍ بذى ســــــلم مزجت دمعا جَرَى من مقلةٍ بـــــدم

أَمْ هبَّــــت الريـــحُ مِنْ تلقاءِ كاظمــةٍ وأَومض البرق في الظَّلْماءِ من إِضم

فما لعينيك إن قلت اكْفُفاهمتــــــــــــا وما لقلبك إن قلت استفق يهـــــــــم

أيحسب الصب أن الحب منكتـــــــــــم ما بين منسجم منه ومضطــــــــرم

لولا الهوى لم ترق دمعاً على طـــــللٍ ولا أرقت لذكر البانِ والعلــــــــــمِ

فكيف تنكر حباً بعد ما شــــــــــهدت به عليك عدول الدمع والســـــــــقمِ

وأثبت الوجد خطَّيْ عبرةٍ وضــــــــنى مثل البهار على خديك والعنــــــــم

نعم سرى طيف من أهوى فأرقنـــــــي والحب يعترض اللذات بالألــــــــمِ

يا لائمي في الهوى العذري معـــــذرة مني إليك ولو أنصفت لم تلــــــــــمِ
Le manteau
Est-ce de t’être souvenu d’une voisine à Dhi Salamin
Que tu as mêlé tes larmes répandues à du sang ?
Ou est-ce le vent qui s’est levé du côté de Qadhima
Et l’éclair qui illumina les ténèbres vers Idhami ?
Pourquoi donc ne peux-tu pas retenir tes larmes ?
Pourquoi donc ton cœur ne peut-il se ressaisir quand tu le lui demandes ?
La passion croirait-elle que l’amour est dissimulé
Cet amour qui flamboie en toi ou qui s’est ancré ?
N’eût été ton penchant, tu n’aurais pas pleuré ni sur des vestiges
Ni à l’évocation du saule[1] et des traces laissées par ton amour
Comme peux-tu nier ta passion
Alors que les larmes et la maigreur témoignent contre toi
Et que l’amour a donné la preuve de deux coulées de larmes et de peine
Evidentes sur tes joues comme poivre sur fruit rouge
Oui l’ombre de celui que j’aime est passée nuitamment et m’a tenu éveillé
Car l’amour va à la rencontre du plaisir avec la douleur
Pardon ô toi qui me reproches mon amour udhrite[2]
Mais si tu étais juste, tu ne m’aurais fait aucune remontrance.
Traduction Jalel El Gharbi

[1] Le saule était le comparant de la beauté du corps de la femme.
[2] Platonique en référence à la tribu Udhra dont les membres mourraient d’amour. (le mot est employé dans le Larousse, dictionnaire mondial des littératures)

1 commentaire:

Djawhar a dit…

Que vies s’abreuvent quotidiennement intensément de ce jour extraordinaire, de cet anniversaire exceptionnel !
Et merci pour cette belle traduction du poème de Boussiri البوصيري qui, j’avoue, n’est pas facile à traduire.