samedi 12 juillet 2014

Dieudonné Ewomsan poète


La poésie de Dieudonné Ewomsan est résolument tournée vers l’avenir, elle qui puise dans les meurtrissures du passé sa force et ses espoirs les plus généreux :
Le temps est d’atroces souvenirs
Que l’on ne peut plus guérir
Mais le temps de la délivrance
Nous forgera un cœur d’espérance
Le poète est un chantre de la liberté entendue comme raison d’être beaucoup plus que comme mot d’ordre. La liberté, telle que célébrée dans son recueil Couleurs de liberté relève du faire  poétique (le poïen grec) que de la praxis. C’est sans doute ce qui confère à la poésie d’Ewomsan ce pouvoir qu’elle détient de donner à voir, de faire naître des allégories. Ici, le visible prête ses nuances à l’invisible. C’est à cette condition que le poète peut voir la « nuit de la nuit » prélude de « l’avenir barbelé » et y faire face. Tout devient lisible dans cette ville ouvrant sur l’océan, le chien affamé est l’image du désespoir, de ce monde « dolorique », les criquets sont les escrocs qui saignent des êtres déjà fortement éprouvés  et dont les blessures demandent à être « pansées », les déchirures « effacées »  et les larmes « épongées ».  Cependant  l’univers d’Ewomsan n’a rien de lacrymal car son adhésion au solaire, au diurne est totale.  Il a même l’art de ménager ces jardins secrets à l’abri de toute adversité :
L’amour rêve souvent
Au passé enivrant
Quand le présent est dur
Et l’avenir est moins sûr.
Pour le professeur de philosophie et pour le militant des droits de l’homme qu’est Ewomsan, ce passé enivrant, ce coin de terre qui reste habitable même lorsque Lomé ou toute autre ville africaine sont en détresse, se nomme « poésie ». Et la prière du poète puise dans les canons même de la poésie pour venir à bout de tous les antagonismes. La poésie fait du « je » un autre nom  de l’ «autre » et annihile de la sorte tous les antagonismes, toutes les haines. Voici un fragment de la « Prière du poète » :
Fais de moi un Tutsi et un Hutu
Pour que maintenant ici et partout
L’ombre de l’arbre à palabre
Apaise les cœurs ivres.
Le poème : cet arbre.  
Dieudonné Ewomsan : Couleurs de liberté. Les Editions Graines de pensées. Lomé, 2007

2 commentaires:

giulio a dit…

Tes textes sont très beaux, cher Jalel,

tout comme je trouve fort réussi, très beau, évocateur et carrément percutant le dernier quatrain que tu cites.

Mais les deux premiers quatrains consistent non seulement en truismes affligeants, mais leur versification et leurs rimes me paraissent d'une puérilité rare.

Jalel El Gharbi a dit…

Merci, cher Giulio. Je pense que ce caractère puéril est plutôt recherché, voulu. Quête d'une simplicité dans un monde par trop compliqué ou désir de se redire la sagesse africaine, ou encore : erreurs dans le choix des vers qui n'incombe qu'à moi.
J'espère que notre ami Dieudonné Ewomsan répondra.