samedi 20 septembre 2014

Ne pars pas avant moi. Jean-Marie Rouart.




Une vie qui ne serait qu’un long fleuve tranquille ne semble pas interpeler l’auteur. Il lui faut la surprise des cascades, le vertige des chutes et la fulgurance des torrents. Dans Ne pars pas avant moi,  Jean-Marie Rouart  revient sur les pages les plus tumultueuses, les plus denses de sa vie : ce sont les amitiés qui corrigent les inégalités héritées, le préjudice d’une scolarité juste passable et qui ouvrent les horizons de l’infini qui n’est pas que littéraire. L’auteur pense surtout à Jean d’Ormesson à qui cette autobiographie romancée – comme toutes les autobiographies – doit son titre euphémique. L’éloge de l’amitié (d’Ormesson, François Nourrissier, Lévi-Strauss…) est avant tout éloge de la camaraderie, du chemin qui s’offre à deux sensibilités et  qui console des déconvenues de l’amour. Oui, l’amitié semble plus encline à la fidélité que l’amour souvent rongé par cette incurable propension vers  l’inconstance, comme l’était l’amour de Solange.  Ce livre insinue que la vie coule trop paisiblement. Il passe de longs moments entre une rencontre et une autre. Or, l’auteur veut plus d’orages, plus de coups de foudre et plus de ces ouvrages dont la lecture vous marque pour la vie. Trop lente, la vie demande à être réécrite, à être élaguée de ces moments où il ne se passe rien. Car ces moments sans frémissements, sans ferveur font trop penser à l’antonyme de la vie. Mais le paradoxe de la vie est qu’elle ne se nourrit pas seulement de réussites. Lisant Jean-Marie Rouart, on se prend à penser que, par exemple, les amours contrariées sont plus fructueuses, sans doute parce qu’elles réalisent ce vœu du désir demeurant désir – pour paraphraser Char.
Voici une œuvre qui aspire à confondre vie et écriture de la vie, à prêter à la lenteur du vécu la promptitude et la prestance d’une belle plume.
Se référant à ces aveux, on pu rapprocher Jean-Marie Rouart de Musset. Ne pars pas avant moi  nous fait penser plutôt à un hédoniste préférant à tout autre les plaisirs de l’intelligence. Cette intelligence qui aime à savourer plaisirs et déplaisirs de l’amour comme pour signifier que sa première vertu est de tout convertir en objet de réflexion. La réussite tient dans le récit de cette conversion, dans le texte corrigeant les imperfections du vivre.

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