jeudi 19 janvier 2017

La première maîtresse de Giulio-Enrico Pisani


Atelier 2 : tableau de Hilly Kessler
LA PREMIÈRE MAITRESSE
Splendide et fière créature aux sept lustres passés,
l'enfant auquel tu ouvris les joies de l'amour
en une étreinte empreinte d'un lustre patiné,
ne t'offrit que l'ombre du plaisir d'un jour.
A peine pubère, mais déjà assez rusé
pour feindre l'amour comme tu feignais l'orgasme,
que, moutard imberbe il ne pouvait te donner,
sans honte il but la lymphe de tes anciens fantasmes.
Sa chair lisse d'éphèbe fut un pauvre merci;
peu étoffée par une force toute d'apparences,
au goût quasi lesbien te laissant inassouvie,
son velouté fut seul agréable à tes sens.
Mais alors, fermant le médiocre épisode
par un baiser rempli d'une tendresse nouvelle,
du stupre veule tu sus faire naître une ode
à l'amour de l'homme pour la femme éternelle.
En effet, par l'oeuvre de son dépucelage,
le gosse devenu homme, sans même le savoir,
la tête enfoncée au creux de ton corsage
t'amena à consoler son pauvre désespoir.
Dépit de môme, floué dans son attente
de ce qu'il croyait devoir être fabuleux,
chagrin consolé par ta douceur patiente
d'amante devenue mère d'un amant encore morveux !
En séchant ses larmes d'enfant trop vite grandi
de tes mots d'amour tendrement érogènes
l'éternel miracle derechef tu accomplis
rendant au petit chose triste une puissance souveraine.
Ses mains, de fouineuses, devinrent caressantes
et ses baisers affamés se firent voluptueux;
sa hargne se mua en passion chantante
et sa ruée grotesque en glissement sinueux.
Vingt ans, trente ans s'écouleront ou davantage.
Amant, père ou aïeul, lui se souviendra toujours
d'avoir quitté l'enfance grâce à une femme volage
et avoir été fait homme par son trop-plein d'amour.
* * *
Extrait d’ AMOUR, HUMOUR, FANTASMES & (R)APPELS / REFLEXIONS ET CONTES POETIQUES © 1999 + 2002 Giulio-Enrico Pisani

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